Consciente du boom foncier dans la ville de Kribi et ses environs, la communauté pygmée du village Bikondo à Kribi (au point de passage de l’autoroute en construction) avait entrepris le bornage et l’immatriculation de ses terres d’une superficie de plus de 60 hectares. Pour cela elle avait donné mandat le 16 juin 2010 à un représentant, le sieur MALOUAR Fidèle pour conduire le dossier y relatif. Environs 07 ans plus tard, la procédure n’a pas encore abouti malgré tous les obstacles et les compromissions auxquels il a fallu faire face.
Pour mener à bien sa mission, le sieur MALOUAR avait sollicité l’appui d’un partenaire financier pour soutenir toutes les étapes de la procédure. Une fois le dossier introduit et après versement d’une forte somme de 4.500.000f, la commission consultative est descendue sur le terrain pour procéder aux levées topographiques en fin 2010. Par la suite des complications sont intervenues dans le déroulement de la procédure. Les responsables des services du cadastre de cette époque les ont tournés en bourrique pendant plusieurs mois sans jamais leur fournis les cartes cadastrale. Il a même fallu effectuer un déplacement dans les confins de la région de l’Est où l’un des responsables des services du cadastre qui gérait leur dossier avait entre temps été affecté, pour pouvoir relancer la procédure.
Finalement en juin 2013 et après plusieurs efforts les cartes sont tirées mais les superficies ont été réduites de 60 à 40 Hectares répartis sur 5 lots. Chose curieuse seul 4 lots ont un fond de dossier, le dossier du 5ème lot a disparu. Désemparés, le sieur MALOUAR consent à poursuivre les démarches pour les lots dont il possède les cartes. Il va très vite faire face aux appétits des autorités administratives qui refusent de signer quoi que ce soit sans contrepartie foncière. N’ayant pas d’autre choix que de céder à cette exigence, ils vont accepter à contre cœur.
Une fois le dossier signé, ils vont retourner en début de cette année au cadastre pour la suite de la procédure. Là ils seront désagréablement surpris d’apprendre que leurs dossiers ont un problème, car leurs lots empiètent les concessions de la Socapalm et la propriété d’une certaine Dame MAKAM. Et en plus de cette dame, plusieurs autres particuliers prétendent avoir des lots sur ces espaces. Décontenancé, ils vont mener leurs investigations auprès des habitants du village pour savoir qui aurait cédé des terres à ces particuliers. Il en ressortira que cette Dame MAKAM n’est connue par personne au village.
Le constat alarmant qui s’impose est que depuis l’introduction de leur dossier en 2010 et pendant tout ce temps pendant lequel on les tournait en bourrique, des particuliers véreux en complicité avec certains responsables des services du cadastre et de la sous-préfecture de Kribi 1er ont frauduleusement obtenu des titres de propriété sur des terres qui normalement auraient déjà dû être immatriculées au profit de la communauté pygmée si la procédure avait été respectée. C’est à croire que les arrestations en cascade des personnalités impliquées dans les litiges fonciers à Kribi en avril 2015 n’ont pas suffit à dissuader ces autorités administratives corrompues.
Comment comprendre cette violation des textes encadrant le processus d’obtention d’un titre foncier ? Comment admettre que nos administrateurs bafouent aussi impunément les droits les plus inaliénables d’une minorité vulnérable en cédant leurs terres sur lesquelles se trouvent par ailleurs les tombes de leurs ancêtres ? Pourtant, la constitution camerounaise ainsi que les textes internationaux ratifiés par le Cameroun protègent les populations autochtones et les minorités. Au Cameroun, l’un des rares peuples à être classé dans ces deux catégories juridiques ce sont les Pygmées, peuple des forêts et fondamentalement attachés à leur valeurs ancestrales. Leur mode de vie dépend essentiellement de la chasse, de la cueillette et de médecine traditionnelle. Sans terres et sans forêts, ces pygmées sont déboussolés et ce sont ainsi des siècles de patrimoine culturel et de tradition qui seront anéantis. C’est d’ailleurs cette inquiétude qui habite le sieur MILI Jean, Chef de la communauté Pygmée du village Bikondo qui s’insurge en ces termes : « Nous ne pouvons pas vivre sans chasser ; dans quelle forêt irons-nous chasser ? C’est grâce aux arbres que nous soignons les gens et ces arbres nous ont été laissés par nos ancêtres. Qu’on laisse nos terres tranquilles »,
Face à cette situation douloureuse, les victimes lancent un cri de détresse aux autorités compétentes pour que cette injustice soit réparée. Elles comptent en premier lieu sur madame le Ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières qui est leur dernier espoir pour la restitution et l’immatriculation de leurs terres.
Sur ces photos, les Pygmées se trouvent sur les tombes de leurs ancêtres, matérialisées par ce baobab dont on peut voir les débris, abattu et scié de force par des individus sans vergogne
Monsieur MILI Jean Chef de la Communauté Pygmée du village Bikondo